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CHRONIQUE: LIBERTE DE LA PRESSE

CHRONIQUE LA LIBERTE DE LA PRESSE

 

 

Le mardi 3 mai, c’était la journée internationale de la liberté de presse. En Afrique, passé l’effet de surprise d’une fête tombée dans le registre des rituels (déjà le 3 mai ! Encore un 3mai !!), gageons qu’elle ne donnera lieu à aucune manifestation particulière, en dehors des discours soporifiques, hypocrites  et convenus sur l’effectivité de la liberté de presse dans les pays, lors  des traditionnels et fastidieux cocktails officiels. Le ton a été donné hier par des communiqués des associations professionnels des médias sur le continent,  où il n’est question que de respect des principes déontologiques et de  la nécessité  « d’opposer le professionnalisme à toutes formes de menaces et de pratiques liberticides, d’où qu’elles proviennent.» Les signataires des différents communiqué  laconique et délibérément sibyllin ne dit rien bien sûr,  (pour ne pas hérisser les susceptibilités en ces temps d’unanimisme et de bondieuseries) sur la nature et  les auteurs de ces « menaces et pratiques liberticides ».Or il est de notoriété publique que la liberté de presse n’est plus ce qu’elle était, avant…. ce jour fatidique du 03 mai 2016.

Le règne de la communication tous azimuts                                            Ainsi, ceux qui posent et reposent la question banale de savoir s’il y a la liberté de presse en Afrique connaissent bel et bien la réponse. La liberté de presse existe dans… les textes, malgré leur caractère liberticide par endroits mais dans les faits et les pratiques, il y a problème. Le classement annuel de reporter sans frontières, aujourd’hui ridiculisé en haut lieu, ne fait que le constat des conditions d’exercice du métier de journaliste dans les tous les pays du monde y compris la très hermétique république dynastique de Corée. Ce n’est pas le contenu  ni la qualité des medias qui sont en cause dans le classement annuel de l’Ong de renommée internationale, sinon des pays comme le Ghana ou le Cap vert ne surclasseraient pas les Etats Unis, champions toutes catégories de la peine de mort et des détentions sans jugement dans l’enclave américaine de Guantanamo. Seule la question des conditions d’exercice de la profession de journaliste  entre en ligne de compte. Et le recul du Bénin, du Mali, de la Cote d’Ivoire et bien d’autres pays dans le classement annuel de reporter sans frontières ne s’explique que  par cela, autant que par les pratiques malsaines sous-jacentes des acteurs eux-mêmes. Depuis de bonne année en effet, nous avons des présidents de la République qui use et abuse de la « communication ».La communication est l’Alpha et l’Omega de toutes les actions  et pratiques politiques de ces sept dernières années. Tout y passe : grandes affiches aux grands carrefours avec effigie grandeur nature du président, spots publicitaires sur les télés et les radios, bandes défilantes pour préparer l’opinion à avaler la pilule amère des décisions impopulaires (contadictions de ministres ou de Dg ,le fameux Ko aussi etc…). Meetings de sensibilisation. Messes et autres prières dans les églises et mosquées). La communication des Chefs d’Etat africains, par leur côté tapageur et envahissant,  étouffe la profession et inhibe dangereusement ses acteurs. Il y a eu l’épisode des contrats occultes signés avec les médias au début du  premier quinquennat puis celle plus sournoise des articles préfabriqués venus tout droit, d’après les indiscrétions, des services de renseignements,  comme ce prétendu gouvernement formé par les deux seuls putschistes interpellés dans cette histoire farfelue de coup d’état : un expert comptable sans histoire qui a le malheur de sortir d’une famille honnie et  un commandant de gendarmerie sans troupe. Les  montants de ses contrats secrets jamais démentis variaient selon qu’il s’agissait des medias audio-visuels fortement prisés et courtisés par le pouvoir ou  de la presse écrite reléguée au second plan depuis belle lurette par les agents communicateurs de nos palais présidentiels. Ces contrats ont été dûment dénoncés  en leur temps. Mais les   séides et autres thuriféraires du régime avaient la parade : il s’agit de donner de la visibilité à l’action gouvernementale. Le résultat est effarant : la création des titres aussi pauvres les uns que les autres a été multipliée par trois ou quatre depuis la fin le renouveau démocratique. Conséquence : des gens ont créé les journaux pour avoir… les contrats. Ainsi, quand une information est publiée dans tel ou tel quotidien,  au lieu de l’amplifier par des enquêtes complémentaires comme cela se passe ailleurs, on prend contact avec la personne incriminée  pour arranger son image. Ainsi, on ne s’embarrasse plus d’envoyer des droits de réponse ou des démentis. On utilise allègrement, au nez et à la barbe des institutions gardiennes de la déontologie, le quotidien concurrent pour dire le contraire le lendemain ou parfois le même jour,  selon la vigilance des services secrets très actifs dans la profession. Puis, on paie la revue de presse pour diffusion. Les journaux servent de relais à des informations normalement frappées par le secret de l’instruction, sans que cela n’interpelle personne. La plupart des médias audio- visuels seuls invités avec le quotidien de service public,  la Nation dans le saint des saints des palais présidentiels entonnent tous des refrains à la gloire de l’homme providentiel de cette institutio , dans un passé encore récent qu’« après Dieu c’est moi ». Sur les télévisions de service public, et même dans les quotidiens officiels, toutes les émissions de débats contradictoires et  des rubriques à polémiques ont été tour à tour supprimées et les animateurs renvoyés à des tâches de  simples conteurs de « hauts faits » du président « refondateur ».Des journalistes vedettes des télévisions nationales sont en même temps des attachés de presse ou des chefs de service communication de la présidence ou des ministères. On se croirait à l’époque révolue et honnie du parti unique de sinistre mémoire. La liberté de presse ne s’use que… si l’on ne s’en sert pas

Cependant, en dépit de  tout ce qui précède, Il n’y a  pas , comme dans certains pays, des acteurs plus ou moins vertueux des médias d’un côté contre les politiciens prédateurs de la liberté de presse. La réalité est autrement plus complexe.  Ainsi, le recul de la liberté de presse en Afrique s’explique autant par l’action commando des politiciens que par  nos propres turpitudes, nous acteurs des médias (et ici le nousest pluriel et inclusif), nos propres insuffisances et notre refus  délibéré de prendre nos responsabilités. Un seul exemple pour illustrer nos propos d’une évidence implacable. Récemment, la Haac du Togo suivant l’exemple de celle du Bénin qui n’a pas attendu la loi pour cela, a initié une loi dans le sens d’autoriser l’institution de régulation des médias à suspendre voire interdire un journal qui aurait failli aux règles déontologiques. Cette loi s’est heurtée à l’opposition vigoureuse des acteurs de la presse togolaise qui se sont levés comme un seul homme par des grèves, des manifs et des journées presse morte(qui en a parlé par ici où notre presse s’est spécialisée dans la publication de documents ?) pour dénoncer ce recul de la démocratie qui fait l’économie des débats contradictoires des tribunaux. Au finish , la loi a été abrogée par la cour constitutionnelle du Togo qui n’a pourtant pas la réputation d’un casseur de lois favorables au  régime Faure Gnassingbé. On interdit et on suspend les journaux sous des prétextes divers, sans que personne ou presque ne s’en émeuve. On applaudit les suspensions ou les interdictions de tel et tel en riant sous cape : « c’est bien fait pour sa gueule, il n’avait qu’à se taire comme nous » ou c’est bien fait pour lui, où a-t-il trouvé tout cet argent ? » Jalousie, quand tu nous tiens ! Or le fond du problème est ailleurs. Que faut-il faire en cas de violation grave des principes déontologiques ? Il faut appliquer les textes. Et, il faut hurler cette vérité  qui ne semble pas évidente à tout le monde : au regard de tous les textes qui régissent notre profession, il n’existe aucune autre structure en dehors du tribunal pour interdire définitivement un journal. Il ressort de tout ce qui précède que la liberté de presse est mise à mal par  par des politiciens d’un genre nouveau privilégiant la communication à l’information avec la complicité passive ou /et active de ses propres acteurs. Des années 60 jusqu’aux encablures des années 80, une publicité a fait florès sur les ondes des radios. On peut la citer aujourd’hui car le produit a pratiquement disparu des étals : « la pile Wonder, disait la réclame, ne s’use que si l’on s’en sert. »Eh bien ! Il en va autrement de la liberté de presse. Elle ne s’use que lorsqu’on ne s’en sert pas. Regardons le paysage médiatique aujourd’hui et reconnaissons humblement qu’il est aux antipodes de  ce que les constituants de février 1990 ont rêvé pour notre pays : une presse libre et indépendante, totalement débarrassée des peurs inhibitrices de tous les  pouvoirs autocratiques et messianiques, pour accompagner la démocratie et servir de contre pouvoir à tous les autres. Notre presse donne malheureusement la fâcheuse impression d’un pouvoir inconscient de ses pouvoirs. Pourtant, depuis les historiques Etats généraux de la presse sur le continent, nous disposons de tout un arsenal pour faire de notre presse un pouvoir fort avec qui les autres doivent absolument compter. Nous avons l’observation de la déontologie et de l’éthique,  le conseil national du patronat de la presse, sans oublier les différentes associations de presse, nos associations professionnelles des journalistes et des éditeurs de presse qui peuvent et doivent donner de la voix, quand la corporation est en danger. Que nous faut-il encore pour faire de notre presse un acteur incontournable du jeu politique ?

                                                                                              Paul YAPI N’GUESSAN, Chroniqueur VRA

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